Création sonore : comment utiliser l’IA et gagner en singularité ?

Création sonore : comment utiliser l’IA et gagner en singularité ?

« L’utilisation de l’IA dans les métiers de la création sonore ne doit pas être un tabou ». Si elle interroge, naturellement, à bien des égards (éthique, réglementaire etc.), il faut aussi rappeler que son utilisation n’est en réalité pas nouvelle et qu’elle s’inscrit dans une tradition où production et machine sont déjà familières l’une avec l’autre. Dans les métiers du son, 99 % de ce qui est produit relève de la MAO (musique assistée par ordinateur), un terme utilisé depuis les années 80. Dans cette lignée, l’IA doit être acceptée pour ce qu’elle est : un assistant qui libère du temps créatif. Explications avec Pierre ATOCH, Directeur des activités Identité Sonore & Design Musical de Marque de BrandySound.

Comment et pourquoi intégrer l’IA ?

L’IA se pose aujourd’hui comme un assistant à deux égards.
Un, elle est fort utile pour produire et analyser de la donnée à destination de l’équipe conseil qui décidera ensuite des axes créatifs. Quand on crée une identité sonore pour une marque, l’IA est clé pour faire ce recueil de matière sectoriel et concurrentiel, identifier les tendances et nous renseigner sur les codes sonores que nous pouvons choisir d’intégrer ou de rejeter pour la création à venir. La qualité des infos récoltées est précieuse, autant par ce qu’elle nous enseigne que par le temps qu’elle nous fait gagner. Nous avions trop tendance avant à passer vite sur le brief et les échanges avec le client pour nous concentrer sur la phase de recherche, décisive, dans le processus de création. Désormais, ces échanges stratégiques avec le client sont replacés au centre de la réflexion. L’accompagnement gagne donc en proximité, en personnalisation et contrairement à ce qu’on pourrait croire en singularité !
Deux, dans des tâches rébarbatives que peuvent être le mixage et le mastering. Elle a la capacité de suggérer, sans imposer, pour maximiser le potentiel d’une création en donnant des indications sur les équilibres à améliorer par exemple.

Comment l’IA transforme-t-elle le processus de création ?

Il faut avoir une approche décomplexée de l’utilisation de l’IA. À ce jour, même si les évolutions sont rapides, ce qui gouverne la création d’une identité sonore de marque reste la recherche d’authenticité. Or, l’IA est incapable de transposer en musique, avec justesse et finesse, des valeurs de marque. Pourquoi ? Car elle a une approche rationnelle, froide, dénuée de sentiments or en musique il est naturellement question de sensibilité, d’intuition, de subjectivité ! A briefs égaux, une IA pourrait produire des sons très similaires pour une entreprise RSE et une du CAC40 qui fait du greenwashing sur la base de mêmes mots-clés. Loin de l’homogénéisation que la machine va générer, l’équipe conseil et créative continuera, elle, de formuler des réponses originales et sur-mesure.
À cet égard, la question des perceptions est essentielle. Il est encore inenvisageable de croire qu’on pourrait faire l’impasse sur le compositeur. Ses ressentis et sa compréhension de l’histoire de la marque, de ses valeurs, de sa raison d’être sont essentiels. La force d’un compositeur c’est son humanité, avec sa vulnérabilité et sa fragilité, tout ce dont n’est pas dotée pour l’heure l’IA. Chaque marque avec son patrimoine sonore désire créer la différence, avoir une « patte sonore ». Rien de tel que l’humain pour juger de la personnalité sonore des concurrents et par contraste trouver cette subtilité qui va créer l’unicité du client.

N’existe-t-il pas de risques à utiliser une IA comme assistant ?

D’un point de vue éthique, non. Le compositeur reste le meilleur garant de l’authenticité créative et pourra continuer de surprendre face à une IA qui est programmée pour analyser ce qui a déjà existé… contrairement à l’humain qui peut s’aventurer dans l’impensé.
Concernant la protection des données clients, nous ne manipulons pas de données sensibles. Bien au contraire ! Les critères renseignés pour générer la veille sont des données dont les clients seraient très heureux d’apprendre qu’elles sont partagées (philosophie d’entreprise, proposition de valeurs, histoire du fondateur etc.).
L’IA est un outil puissant qui n’en est qu’au début de sa capacité. C’est un facilitateur qui fluidifie certaines missions mais ne permettra jamais de les automatiser complètement. L’IA challenge, permet de rester en éveil et de valoriser plus encore le conseil pour les agences spécialisées.

Pendant longtemps, la musique nous a été imposée notamment par le bais de la radio, le digital a bousculé les codes en se passant d’intermédiaires et avec une qualité de production phénoménale. Le parallèle est vrai avec l’IA : c’est une façon de libérer la créativité et d’offrir encore plus de variété mais elle ne peut pas – à ce jour – prendre intégralement la main sur une création sonore. Elle offre simplement des opportunités d’optimisation de certaines tâches pour nous permettre d’accroître la productivité et de nous concentrer sur un volet plus stratégique, en nous attachant encore plus à personnaliser le conseil et la création.

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